L'agence France Trésor, le bras séculier du ministère des Finances qui gère la dette de l'Etat, lance cette semaine un emprunt remboursable en 2055. Dans un demi-siècle. C'est une première mondiale. On soupçonnera l'Etat de vouloir tirer profit des très bas taux d'intérêt du moment, et on n'aura pas tort. Encore faut-il convaincre les investisseurs de s'engager sur une telle durée.L'article poursuit en expliquant que cet emprunt sera souscrit en masse par les fonds de pension étrangers. Après tout c'est un placement comme un autre, doivent-ils penser : ces "obligations 2055" seront cotées sur le marché, et bien cotées (le triple A de Standard & Poor's), elles pourront être revendues à temps à qui en voudra si on en vient à avoir des doutes sur la capacité à rembourser de l'Etat, c'est-à-dire sur sa capacité à ponctionner les habitants qui n'auront pas fui et qui disposeront encore de quelque argent pour satisfaire la rapacité du Moloch. Tant pis pour le dernier "investisseur" à qui on passera la patate chaude. Drôle d'idée aussi d'investir dans une "entreprise" telle que l'Etat, qui ne crée rien, détruit tout et ne vit que de rapine.
Je ne sais pas si cet argent récolté par l'Etat entrera dans le circuit du blanchiment de la dette sale, mais je pense que la situation de la sinistre SS n'y est pas étrangère. Cela me rappelle l'article de Jean-Louis Caccomo qui analyse les phases critiques du déclin de l'Etat : la phase qu'il appelle "phase critique n°1" (le dérèglement des finances publiques) n'est donc pas encore terminée en France.
En attendant, on mène une politique d'emprunt insensée et irresponsable. Il suffit de savoir que d’ici à deux générations l’âge moyen de l’Européen atteindra 53 ans (contre seulement 36 ans pour l’Américain, je tiens ces chiffres de l'éditorial de Valeurs Actuelles du 25 février). Le Français censé rembourser l'emprunt 2055 ne sera plus tout jeune - à supposer qu'il ne soit pas au chômage (la barre des 10% vient d'être hardiment franchie à nouveau, grâce aux règlementations, cotisations et taxes diverses qui font vivre l'Etat et plombent les entreprises).
Il faudra peut-être un jour apprendre à "se désintoxiquer de la dépense publique", comme le disait si bien un (ex-)ministre des Finances malchanceux, car lui aussi avait pour son propre compte abusé d'une petite ligne de dépense publique (on n'est jamais si bien servi que par soi-même, quand on est le roi du racket étatique)...